Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/249

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La seule chose donc qui inquiétât le futur époux, c’était de voir ce parent si bien établi dans la maison qui allait devenir sienne après la noce, qu’il ne paraissait pas facile de l’en évincer avec douceur, tant il semblait tous les jours s’y emboîter plus solidement. Pourtant, il n’était neveu de Javotte que par alliance, étant né seulement d’une fille que feue l’épouse de maître Goubard avait eue d’un premier mariage.

Mais comment lui faire comprendre qu’il tendait à s’exagérer l’importance des liens de famille et qu’il avait, à l’égard des droits et des priviléges de la parenté, des idées trop larges, trop arrêtées, et, en quelque sorte, trop patriarcales ?

Cependant il était probable que bientôt il sentirait de lui-même son indiscrétion, et Eustache se vit obligé de prendre patience, ainsi que les dames de Fontainebleau, quand la cour est à Paris, comme dit le proverbe.

Mais la noce faite et parfaite ne changea rien aux habitudes de l’arquebusier à cheval, qui même fit espérer qu’il pourrait obtenir, grâce à la tranquillité des croquants, de rester à Paris jusqu’à l’arrivée de son corps. Eustache tenta quelques allusions épigrammatiques sur ce que certaines gens prenaient des boutiques pour des hôtelleries, et bien d’autres qui ne furent point saisies, ou qui parurent faibles ; du reste, il n’osait encore en parler ouvertement à sa femme et à son beau-père, ne voulant pas se donner, dès les premiers jours de son mariage, une couleur d’homme intéressé, lui qui leur devait tout.

Avec cela, la compagnie du soldat n’avait rien de bien divertissant, sa bouche n’était que la cloche perpétuelle de sa gloire, laquelle était fondée moitié sur ses triomphes dans les combats singuliers qui le rendaient la terreur de l’armée, moitié sur ses prouesses contre les croquants, malheureux paysans français à qui les soldats du roi Henri faisaient la guerre pour n’avoir pu payer la taille, et qui ne paraissaient pas près de jouir de la célèbre poule au pot…

Ce caractère de vanterie excessive était alors assez commun, ainsi qu’on le voit par les types des Taillebras et des capitans