Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/302

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assez connus par leurs œuvres ; j’y renvoie les lecteurs pour en faire jugement. »

Il continue par quelques louanges et beaucoup de critiques des auteurs du temps, et revient à son premier dire, qu’il faut imiter les anciens, « et non point les auteurs français, pour ce qu’en ceux-ci on ne saurait prendre que bien peu, comme la peau et la couleur, tandis qu’en ceux-là on peut prendre la chair, les os, les nerfs et le sang. »

« Lis donc, et relis premièrement, ô poëte futur ! les exemplaires grecs et latins : puis me laisse toutes ces< vieilles poésies françaises aux Jeux floraux de Toulouse et au Puy de Rouan, comme rondeaux, ballades, virelais, chants royaux, chansons et telles autres épiceries qui corrompent le goût de notre langue, et ne servent sinon à porter témoignage de notre ignorance. Jette-toi à ces plaisantes épigrammes, non point comme font aujourd’hui un tas de faiseurs de contes nouveaux qui en un dizain sont contents n’avoir rien dit qui vaille aux neuf premiers vers, pourvu qu’au dixième il y ait le petit mot pour rire, mais à l’imitation d’un Martial, ou de quelque autre bien approuvé ; si la lascivité ne te plaît, mêle le profitable avec le doux ; distille avec un style coulant et non scabreux de tendres élégies, à l’exemple d’un Ovide, d’un Tibulle et d’un Properce ; y entremêlant quelquefois de ces fables anciennes, non petit ornement de poésie. Chante-moi ces odes inconnues encore de la langue française, d’un luth bien accordé au son de la lyre grecque et romaine, et qu’il n’y ait rien où apparaissent quelques vestiges de rare et antique érudition. Quant aux épîtres, ce n’est un poëme qui puisse grandement enrichir notre vulgaire, parce qu’elles sont volontiers des choses familières et domestiques, si tu ne les voulais faire à l’imitation d’élégies comme Ovide, ou silencieuses et graves comme Horace : autant te dis-je des satires que les Français, je ne sais comment, ont nommées coq-à-l’âne, auxquelles je te conseille aussi peu t’exercer, si ce n’est à l’exemple des anciens en vers héroïques, et, sous ce nom