Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/303

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de satire, y taxer modestement les vices de son temps et pardonner aux noms des personnes vicieuses. Tu as pour ceci Horace, qui, selon Quintilien, tient le premier lieu entre les satiriques. Sonne-moi ces beaux sonnets[1], non moins docte que plaisante invention italienne, pour lequel tu as Pétrarque et quelques modernes Italiens. Chante-moi d’une musette bien résonnante les plaisantes églogues rustiques, à l’exemple de Théocrite et de Virgile. Quant aux comédies et tragédies, si les rois et les républiques les voulaient restituer en leur ancienne dignité qu’ont usurpée les farces et moralités, je serais bien d’opinion que tu t’y employasses, et, si tu le veux faire pour l’ornement de la langue, tu sais où tu en dois trouver les archétypes. »

Je ne crois pas qu’on me reproche d’avoir cité tout entier ce chapitre où la révolution littéraire est si audacieusement proclamée ; il est curieux d’assister à cette démolition complète d’une littérature du moyen âge au profit de tous les genres de composition de l’antiquité, et la réaction analogue qui s’opère aujourd’hui doit lui donner un nouvel intérêt.

Du Bellay conseille encore l’introduction dans la langue française de mots composés du latin et du grec, recommandant principalement de s’en servir dans les arts et sciences libérales. Il recommande, avec plus de raison, l’étude du langage figuré, dont la poésie française avait jusqu’alors peu de connaissance ; il propose de plus quelques nouvelles alliances de mots accueillies depuis en partie : « d’user hardiment de l’infinitif pour le nom, comme l’alter, le chanter, le vivre, le mourir ; de l’adjectif substantivé, comme le vide de l’air, le frais de l’ombre, l’épais des forêts ; des verbes et des participes, qui de leur nature n’ont point d’infinitifs après eux,

  1. Sonne-moi ces sonnets : ceci est un trait du mauvais goût d’alors, auquel le jeune novateur n’a pu entièrement se soustraire. Nous trouvons plus haut : Distille avec un style. Ronsard lui-même a cédé quelquefois à ce plaisir de jouer sur les mots : Dorat qui redore le langage français ; Mellin aux paroles de miel, etc.