Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/395

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factionnaire s’il connaissait un hôtel où l’on pût recevoir un Parisien relativement attardé.

— Entrez au poste, on vous dira cela, me répondit-il.

Dans le poste, je rencontrai de jeunes militaires qui me dirent :

— C’est bien difficile ! On se couche ici à dix heures ; mais chauffez-vous un instant.

On jeta du bois dans le poêle ; je me mis à causer de l’Afrique et de l’Asie. Cela les intéressait tellement, que l’on réveillait pour m’écouter ceux qui s’étaient endormis. Je me vis conduit à chanter des chansons arabes et grecques, car la société chantante m’avait mis dans cette disposition. Vers deux heures, un des soldats me dit :

— Vous avez bien couché sous la tente… Si vous voulez, prenez place sur le lit de camp.

On me fit un traversin avec un sac de munition, je m’enveloppai de mon manteau, et je m’apprêtais à dormir quand le sergent rentra et dit :

— Où est-ce qu’ils ont encore ramassé cet homme-là ?

— C’est un homme qui parle assez bien, dit un des fusiliers ; il a été en Afrique.

— S’il a été en Afrique, c’est différent, dit le sergent ; mais on admet quelquefois ici des individus qu’on ne connaît pas ; c’est imprudent… Ils pourraient enlever quelque chose !

— Ce ne serait pas un matelas, m’écriai-je.

— Ne faites pas attention, me dit l’un des soldats : c’est son caractère ; et puis il vient de recevoir une politesse… ça le rend grognon.

J’ai dormi fort bien jusqu’au point du jour ; et, remerciant ces braves soldats ainsi que le sergent, tout à fait radouci, je m’en allai faire un tour vers les coteaux de Mareil pour admirer les splendeurs du soleil levant.

Je le disais tout à l’heure, « mes jeunes années me reviennent, » et l’aspect des lieux aimés rappelle en moi le sentiment des choses passées. Saint-Germain, Senlis et Dammar-