Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obscures ou illustres, comme les a faites le hasard des rencontres ou des pays lointains que j’ai parcourus. Dans des rouleaux mieux enveloppés que les autres, je retrouve des lettres arabes, des reliques du Caire et de Stamboul. Ô bonheur ! ô tristesse mortelle ! ces caractères jaunis, ces brouillons effacés, ces lettres à demi froissées, c’est le trésor de mon seul amour… Relisons… Bien des lettres manquent, bien d’autres sont déchirées ou raturées.


(Les amis de Gérard de Nerval ont été assez heureux pour retrouver dans ses papiers des fragments de ses lettres. Les éditeurs les publient tels qu’ils leur ont été remis, sans prétendre les coordonner, les lier entre eux, leur donner la suite et l’enchaînement dont le pauvre rêveur a emporté le secret avec lui.)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTRE III

Me voilà encore à vous écrire, puisque je ne puis faire autre chose que de penser à vous et de m’occuper de vous ; de vous, si occupée, si distraite, si affairée ; non pas tout à fait indifférente peut-être, mais bien cruellement raisonnable, et raisonnant si bien ! Ô femme ! femme ! L’artiste sera toujours en vous plus forte que l’amante. Mais je vous aime aussi comme artiste. Il y a dans votre talent une partie de la magie qui m’a charmé. Marchez donc d’un pas ferme vers cette gloire que j’oublie ; et, s’il faut une voix pour vous crier courage, s’il faut un bras pour vous soutenir, s’il faut un corps où votre pied s’appuie pour monter plus haut, vous savez…

LETTRE IV

J’ai lu votre lettre, cruelle que vous êtes. Elle est si douce et si bonne, que je ne puis que plaindre mon sort ; mais, si je