Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/72

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si précise, a éprouvé un mouvement de vertige. Je ne sentais pas tout mon bonheur d’être ainsi près de vous, ni tout le danger que je courais à risquer de ne pas vous plaire. Mes projets se sont contrariés. J’ai voulu me montrer à la fois un homme timide, un homme utile et égayant, et je n’ai pas compris que les deux sentiments que je voulais exciter ensemble se froisseraient dans votre cœur. Plus jeune, je vous eusse touchée par une passion plus naïve et plus chaleureuse ; plus vieux, j’aurais mieux calculé ma marche, étudié votre caractère et trouvé à la longue le chemin de votre cœur.

Si je vous fais un aveu si complet, c’est que je vous sais digne de comprendre un esprit…

(La suite manque.)


LETTRE VII

Ah ! ma pauvre amie, je ne sais quels rêves vous avez faits ; mais non, je sors d’une nuit terrible ; je suis malheureux par ma faute peut-être et non par la vôtre, mais je le suis. Grand Dieu ! excusez mon désordre, pardonnez les combats de mon âme. Oui, c’est vrai, j’ai voulu vous le cacher en vain, je vous désire autant que je vous aime, mais je mourrais plutôt que d’exciter encore une fois votre mécontentement. Oh ! pardonnez, je ne suis pas volage, moi ; depuis trois mois, je vous suis fidèle, je le jure devant Dieu. Si vous tenez un peu à moi, voulez-vous m’abandonner encore à ces vaines ardeurs qui me tuent ? Je vous avoue tout cela pour que vous y songiez plus tard ; car, je vous l’ai dit, quelque espoir que vous ayez bien voulu me donner, ce n’est pas à un jour fixe que je voudrais vous obtenir, mais arrangez les choses pour le mieux. Ah ! je le sais, les femmes aiment qu’on les force un peu ; elles ne veulent point paraître céder sans contrainte. Mais, songez-y, vous n’êtes pas pour moi comme les autres femmes ; je suis plus peut-être pour vous que les autres hommes ; sortons donc des usages de la galanterie ordinaire. Que m’importe que vous