Page:Nerval - Petits Châteaux de Bohême, 1853.djvu/51

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rond-point de la Villa-Reale, j’y viendrai sous un déguisement, et nous pourrons avoir quelques instants d’entretien.

FABIO. — J’y serai.

LA DAME. — Maintenant, quittez mon bras et ne me suivez pas, je me rends au théâtre. Ne paraissez pas dans la salle ce soir… Soyez discret et confiant. (Elle sort.)

FABIO, seul. — C’était bien elle !… En me quittant, elle s’est toute révélée dans un mouvement, comme la Vénus de Virgile. J’avais à peine reconnu son visage, et pourtant l’éclair de ses yeux me traversait le cœur, de même qu’au théâtre, lorsque son regard vient croiser le mien dans la foule. Sa voix ne perd pas de son charme en prononçant de simples paroles ; et, cependant, je croyais jusqu’ici qu’elle ne devait avoir que le chant, comme les oiseaux ! Mais ce qu’elle m la dit vaut tous les vers de Métastase, et ce timbre si pur, et cet accent si doux, n’empruntent rien pour séduire aux mélodies de Paesiello ou de Cimarosa ! Ah ! toutes ces héroïnes que j’adorais en elle, Sophonisbe, Alcime, Herminie, et même cette blonde Molinara, qu’elle joue à ravir