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LES NUITS DU RAMAZAN.

La vallée verdoyante est parsemée de tombes blanches protégées par des pins et des palmiers : là se trouvent les premières pentes de la vallée de Josaphat. Soliman dit à Balkis :

— Quel plus digne sujet de méditation pour un roi, que le spectacle de notre fin commune ! Ici, près de vous, reine, les plaisirs, le bonheur peut-être ; là-bas, le néant et l’oubli.

— On se repose des fatigues de la vie dans la contemplation de la mort.

— À cette heure, madame, je la redoute ; elle sépare… Puissé-je ne point apprendre trop tôt qu’elle console !

Balkis jeta un coup d’œil furtif sur son hôte, et le vit réellement ému. Estompé des lueurs du soir, Soliman lui parut beau.

Avant de pénétrer dans la salle du festin, ces hôtes augustes contemplèrent la maison aux reflets du crépuscule, en respirant les voluptueux parfums des orangers qui embaumaient la couche de la nuit.

Cette demeure aérienne est construite suivant le goût syrien. Portée sur une forêt de colonnettes grêles, elle dessine sur le ciel ses tourelles découpées à jour, ses pavillons de cèdre, revêtus de boiseries éclatantes. Les portes, ouvertes, laissaient entrevoir des rideaux de pourpre tyrienne, des divans soyeux tissés dans l’Inde, des rosaces incrustées de pierres de couleur, des meubles en bois de citronnier et de santal, des vases de Thèbes, des vasques en porphyre ou en lapis, chargés de fleurs, des trépieds d’argent où fument l’aloès, la myrrhe et le benjoin, des lianes qui embrassent les piliers et se jouent à travers les murailles : ce lieu charmant semble consacré aux amours. Mais Balkis est sage et prudente : sa raison la rassure contre les séductions du séjour enchanté de Mello.

— Ce n’est pas sans timidité que je parcours avec vous ce petit château, dit Soliman : depuis que votre présence l’honore, il me paraît mesquin. Les villes des Hémiarites sont plus riches, sans doute.

— Non, vraiment ; mais, dans notre pays, les colonnettes les