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LES NUITS DU RAMAZAN.

s’accrut le lendemain. On avait parlé des mystères de la montagne de Kaf, qui intéressent toujours vivement les Orientaux. Pour moi, cela m’avait paru aussi classique que la descente d’Énée aux enfers.


VIII — LE LAVOIR DE SILOÉ


Le conteur reprit :

C’était l’heure où le Thabor projette son ombre matinale sur le chemin montueux de Béthanie : quelques nuages blancs et diaphanes erraient dans les plaines du ciel, adoucissant la clarté du matin ; la rosée azurait encore le tissu des prairies ; la brise accompagnait de son murmure dans le feuillage la chanson des oiseaux qui bordaient le sentier de Moria ; l’on entrevoyait de loin les tuniques de lin et les robes de gaze d’un cortège de femmes qui, traversant un pont jeté sur le Cédron, gagnèrent les bords d’un ruisseau qu’alimente le lavoir de Siloé. Derrière elles marchaient huit Nubiens portant un riche palanquin, et deux chameaux qui cheminaient chargés en balançant la tête.

La litière était vide ; car, ayant, dès l’aurore, quitté, avec ses femmes, les tentes où elle s’était obstinée à demeurer avec sa suite hors des murs de Jérusalem, la reine de Saba, pour mieux goûter le charme de ces fraîches campagnes, avait mis pied à terre.

Jeunes et jolies pour la plupart, les suivantes de Balkis se rendaient de bonne heure à la fontaine pour laver le linge de leur maîtresse, qui, vêtue aussi simplement que ses compagnes, les précédait gaiement avec sa nourrice, tandis que, sur ses pas, cette jeunesse babillait à qui mieux mieux.

— Vos raisons ne me touchent pas, ma fille, disait la nourrice ; ce mariage me paraît une folie grave ; et, si l’erreur est excusable, c’est pour le plaisir qu’elle donne.

— Morale édifiante ! Si le sage Soliman vous entendait…,