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VOYAGE EN ORIENT.

Leurs croyances et leurs coutumes diffèrent tellement des nôtres, que nous ne pouvons les juger qu’au point de vue de notre dépravation relative. Il suffit de se dire que la loi musulmane ne signale aucun péché dans cette ardeur des sens, utile à l’existence des populations méridionales décimées tant de fois par les pestes et par les guerres. Si l’on se rendait compte de la dignité et de la chasteté même des rapports qui existent entre un musulman et ses épouses, on renoncerait à tout ce mirage voluptueux qu’ont créé nos écrivains du XVIIIe siècle.

Il suffit de se dire que l’homme et la femme se couchent habillés ; que les yeux d’un musulman ne peuvent descendre, de par la loi religieuse, au-dessous de la ceinture d’une femme, — et cela est réciproque, — et que le sultan Mahmoud, le plus progressif des sultans, ayant un jour pénétré, dit-on, dans la salle de bain de ses femmes, fut condamné par elles-mêmes à une longue abstention de leur présence. — De plus, la ville, instruite par quelque indiscrétion de valets, en fut indignée, et des représentations furent faites au sultan par les imans.

Ce fait fut, du reste, regardé par ses partisans comme une calomnie, — qui tenait probablement à ce qu’il avait fait construire au palais des Miroirs, une salle de bain en amphithéâtre. — Je veux croire à la calomnie.


IV — L’ATMÉIDAN


Le lendemain matin était le premier jour du Baïram. Le canon de tous les forts et de tous les vaisseaux retentit au lever du jour, dominant le chant des muezzins saluant Allah du haut d’un millier de minarets. La fête était, cette fois, à l’Atméidan, place illustrée par le souvenir des empereurs de Byzance qui y ont laissé des monuments. Cette place est oblongue et présente toujours son ancienne forme d’hippodrome, ainsi que les deux obélisques autour desquels tournaient les chars au