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APPENDICE.

tremblé, il avait été défendu à tout ange ou créature terrestre de jamais prononcer son nom. Les solennelles obscurités des cosmogonies primitives ne contiennent rien d’aussi terrible que ce courroux de l’Éternel, anéantissant jusqu’au souvenir de la mère du monde. Hésiode, qui peint si longuement les enfantements monstrueux et les luttes des divinités mères du cycle d’Uranus, n’a pas présenté de mythe plus sombre. Revenons aux conceptions plus claires de la Bible, qui s’adoucissent encore et s’humanisent dans le Coran.

On a cru longtemps que l’islamisme plaçait la femme dans une position très-inférieure à celle de l’homme, et en faisait, pour ainsi dire, l’esclave de son mari. C’est une idée qui ne résiste pas à l’examen sérieux des mœurs de l’Orient Il faudrait dire plutôt que Mahomet a rendu la condition des femmes beaucoup meilleure qu’elle ne l’était avant lui.

Moïse établissait que l’impureté de la femme, qui met au jour une fille et apporte au monde une nouvelle cause de péché, doit être plus longue que celle de la mère d’un enfant mâle. Le Talmud excluait les femmes des cérémonies religieuses et leur défendait l’entrée du temple. Mahomet, au contraire, déclare que la femme est la gloire de l’homme ; il lui permet l’entrée des mosquées, et il lui donne pour modèles Asia, femme de Pharaon, Marie, mère du Christ, et sa propre fille Fatime. Abandonnons aussi l’idée européenne qui présente les musulmans comme ne croyant pas à l’âme des femmes. Il est une autre opinion plus répandue encore, qui consiste à penser que les Turcs rêvent un ciel peuplé de houris, toujours jeunes et toujours nouvelles ; c’est une erreur ; les houris seront simplement leurs épouses, rajeunies et transfigurées, car Mahomet prie le Seigneur d’ouvrir l’Éden aux vrais croyants, ainsi qu’à leurs parents, à leurs épouses et à leurs enfants qui auraient pratiqué la vertu. « Entrez dans le paradis, s’écrie-t-il ; vous et vos compagnes, réjouissez-vous ! »

Après une telle citation et bien d’autres qu’on pourrait faire, on se demande d’où est né le préjuge si commun encore parmi