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VOYAGE EN ORIENT.

blissements. La porte extérieure doit être toujours fermée ; mais on la pousse, et l’on peut ensuite s’abreuver d’un bon verre de vin de Ténédos moyennant dix paras (cinq centimes).

Partout des frituriers, des marchands de fruits ou d’épis de maïs bouillis, avec lesquels un homme peut se nourrir tout un jour pour dix paras ; — ainsi que des vendeurs de baklavas, sorte de galettes très-imprégnées de beurre et de sucre, dont les femmes surtout sont friandes. La place du Sérasquier est la plus brillante de toutes. Ouverte en triangle, avec les illuminations de deux mosquées à droite et à gauche, et dans le fond celle des bâtiments de la guerre, elle présente un large espace aux cavalcades et aux divers cortèges qui la traversent. Un grand nombre d’étalages de marchands ambulants garnissent le devant des maisons, et une dizaine de cafés font assaut d’annonces diverses de spectacles, de baladins et d’ombres chinoises. Les plus amusants, pour tout homme instruit, sont naturellement ceux où il se déclame des poëmes, — où il se raconte des histoires et des légendes.


ii — VISITE À PÉRA


N’étant pas forcé, comme les musulmans, de dormir tout le jour et de passer la nuit entière dans les plaisirs pendant le bienheureux mois du Ramazan, à la fois carême et carnaval, j’allais souvent à Péra pour reprendre langue avec les Européens. Un jour, mes yeux furent frappés d’une grande affiche de théâtre posée sur les murs, et qui annonçait l’ouverture de la saison théâtrale. C’était la troupe italienne qui allait commencer trois mois de représentations, et le nom qui brillait en grosses lettres comme l’étoile dramatique du moment, c’était celui de la Ronzi-Tacchinardi, cette cantatrice des plus beaux temps de Rossini, à laquelle Stendhal a consacré de belles pages. La Ronzi n’était plus jeune, hélas ! Elle venait à Constantinople, comme y avait passé, quelques années auparavant, l’illustre tragédienne mademoiselle Georges, qui, après avoir paru au théâtre de