Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/236

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des offenses contre la révolution, dont ils avaient gardé les préventions, les passions et les rancunes ; ils s’irritaient de voir tous ses arrêts ainsi cassés par cette éclatante restauration de la famille historique dans laquelle se personnifiait tout ce passé national avec lequel les conducteurs du mouvement révolutionnaire avaient voulu rompre, en faisant dater à nouveau notre histoire de l’année 1792, devenue une muraille infranchissable élevée entre deux Frances, non-seulement étrangères, mais ennemies. Il y avait, pour cette manière de voir et de sentir le grand fait de la restauration, un public restreint mais passionné, qui pouvait se recruter ; car, dans l’école matérialiste ou sceptique en philosophie et révolutionnaire en politique, les écrivains ne manquaient point pour développer ces sentiments et ces idées ; en outre, le personnel des lettres bonapartistes devait cacher, derrière ce rideau commode, les rancunes, les mécontentements et les antipathies que la chute d’un gouvernement favorable à leurs intérêts leur avait laissés contre le gouvernement qui le remplaçait. La liberté que la restauration apportait à la pensée humaine allait ainsi, comme tous les biens de ce monde, se trouver mêlée d’avantages et d’inconvénients : si la vérité pouvait trouver une force dans la presse, l’esprit de parti pouvait y dresser ses embuscades.

Ce qui ajoutait aux chances que les écrivains de l’école matérialiste et révolutionnaire pouvaient avoir de passionner les esprits, c’est qu’à l’improviste, sans pré-