Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/28

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s’enrichit de tous les spectacles qu’ils contemplent et de toutes les émotions qu’ils éprouvent ; puis ramenez votre pensée sur les dispositions intellectuelles et morales du public, sur le désenchantement qu’avait laissé dans les âmes l’essai qui venait d’être tenté, pour appliquer les doctrines du dix-huitième siècle, sur le vide profond des cœurs et des intelligences, et alors vous comprendrez l’effet que produisit l’apparition du Génie du christianisme.

C’était, plus qu’un livre, c’était une bataille intellectuelle qui se livrait. Aussi, les deux camps opposés étaient dans l’attente et l’anxiété. Pendant la composition de son grand ouvrage, M. de Chateaubriand avait souvent consulté M. de Fontanes, auquel il était uni par la triple communauté des sentiments, de l’amitié et de l’exil. Après 1796, en effet, M. de Fontanes, compris sur la liste de déportation par le directoire, et ne voulant pas compromettre plus longtemps ceux qui lui donnaient un asile en France, était allé en chercher un en Angleterre, et il avait retrouvé à Londres M. de Chateaubriand, alors émigré, et qu’il connaissait depuis 1790. Dans les longues promenades que les deux amis firent ensemble sur les bords de la Tamise, qu’ils suivaient jusqu’à Chelsea[1], ils conversaient sur les lettres, la politique et les arts ; puis le père de la littérature du dix-neuvième siècle récitait des fragments de René, d’Atala, des Natchez, au plus ingé-

  1. Essai sur la littérature anglaise, par Chateaubriand.