Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/38

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çais pour se jeter sur leur pays et le partager entre eux. La Providence a dit que non ; toujours elle fait bien, mais jamais plus visiblement à mon avis. Votre mémoire n’ébranle nullement mon opinion, qui se réduit à ceci : que l’empire de la coalition sur la France et la division de ce royaume seraient un des plus grands maux qui pussent arriver à l’humanité. » Celui qui a écrit ces lignes mémorables dans sa correspondance intime, lorsque le contre-coup des événements de France anéantissait sa fortune, l’éloignait de sa famille et le chassait de son pays, mérite d’être cru quand il tient le même langage dans ses Considérations sur la France, et les plus grandes sévérités de son génie doivent être accueillies comme celles d’un médecin dévoué qui, penché sur le lit d’un malade bien cher, le fait souffrir pour guérir son mal.

Né en 1754, en Savoie, du comte François-Xavier de Maistre, président du sénat de Savoie, Joseph de Maistre, qui était l’aîné d’une nombreuse famille de dix enfants, cinq filles et cinq garçons, raconte lui-même que le sentiment dominant de son enfance avait été une soumission amoureuse envers ses parents. Il avait une tendre vénération pour sa mère, Christine de Motz, femme d’une haute distinction, qui exerçait sur lui cette douce et féconde influence à laquelle il songeait sans doute lorsqu’il écrivait plus tard à sa fille Constance : « Faire des enfants, ce n’est que de la peine ; mais le grand honneur c’est de faire des hommes, et c’est ce que les femmes font mieux que