Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/412

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contre le ministère qui l’avait rejeté de son sein, et, sans le vouloir, contre la royauté, qui avait signé sa destitution. Il autorisa, par son exemple, cette langue de dénigrement et d’exagération trop souvent depuis parlée par la presse, peu scrupuleuse dans le choix de ses armes pourvu qu’elles blessent, sans considérer que les grands mots qu’elle fait un peu légèrement retentir en invoquant sans cesse, à propos des querelles de portefeuille ou des luttes de parti, la gloire du pays humiliée, ses libertés violées, tombent dans des cœurs naïfs, où, pris plus au sérieux que par ceux qui les écrivent, ils font les révolutions qui, en se succédant, finissent par détruire l’autorité et bientôt la liberté de la presse, tristement asservie, pour n’avoir pas su être sagement libre. Chateaubriand, poëte avant tout, avait les défauts de cette race irritable, comme l’appelle Horace. Il ne savait ni pardonner, ni modérer son ressentiment, il se servit de la presse à outrance. Hélas ! ces hommes éclatants sur lesquels le monde a les yeux, ont rarement la suprême grandeur de s’oublier. En 1822, ce grand écrivain, alors ambassadeur à Vérone, écrivait, à M. de Marcellus[1], alors chargé d’affaires à Londres : « Je ne crois point à la chute de M. Canning, et je pense comme vous qu’il faut le flatter pour essayer de le convertir ; mais l’amour-propre blessé ne se repent jamais, ne revient jamais, ne pardonne ja-

  1. Voir la Politique de la restauration de 1822 à 1823, par M. de Marcellus (1852).