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abaisser au même niveau, commencèrent par s’établir au faîte. L’illusion qui eut, au temps de 93, des conséquences si déplorables, se reproduit facilement, parce qu’elle tient à un vice de notre nature. C’est à ce sentiment éminemment révolutionnaire que s’adressa surtout Paul-Louis Courier dans ses pamphlets, comme Béranger dans ses chansons.

Entre le célèbre chansonnier et le puissant pamphlétaire (nous pouvons bien lui donner ce nom qu’il prenait lui-même et dont il se faisait honneur), entre le chansonnier et le pamphlétaire, il y avait plus d’un trait de ressemblance. C’était la même haine de toute supériorité, le même tour d’esprit aigu et tranchant, la même acidité d’expression, la même verve satirique ; cependant on peut aussi marquer entre eux une différence essentielle. Béranger mariait ensemble, on l’a vu, l’école du Portique et celle d’Épicure ; il empruntait ses inspirations à la licence aussi bien qu’à l’orgueil. Sa philosophie entrait au cabaret et s’humanisait avec la grande famille des Lisette et des Frétillon, et raisonnait ou déraisonnait après boire. Paul-Louis Courier, au contraire, était un stoïcien en frac ; il ne puisait ses inspirations et sa verve qu’à la source de l’orgueil. La licence de l’entendement était plus grande chez lui que celle des sens, ou plutôt cette licence de l’entendement existait seule. C’était de sa tête que débordait cette ironie implacable, amère, qui teignait tous les objets et toutes les personnes qu’elle touchait, des couleurs du fiel. Courier déve-