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Page:Nichault - Ellenore t1.djvu/11

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Pour les autres, c’était une femme bizarre, passionnée, orgueilleuse, inconséquente, prude et légère, conciliant une extrême séverité de principes avec la situation la plus équivoque. Son caractère et ses qualités variaient en raison du plus ou moins d’occasions qu’on avait eues de la connaître et de se l’expliquer.

Pour cette masse d’indifférents qui classent les femmes par rang et non par espèce, madame Mansley était tout simplement la maîtresse du comte de Savernon. Pour les gens distingués dont elle aimait à s’entourer, c’était l’amie dévouée à qui M. de Savernon devait la conservation de sa fortune et de sa vie ; car elle s’était exposée au danger de périr sur l’échafaud pour obtenir des rois de la Terreur les passeports, ensuite les certificats de résidence qui avaient assuré la liberty et l’existence de toute la famille de M. de Savernon. En reconnaissance du sentiment auquel il devait son bonheur et celui de tous ceux qui lui &aient chers, M. de Savernon consacrait sa vie à Ellénore. On savait que l’opposition de madame la marquise de Savernon au divorce demandé par son mari était le seul obstacle au mariage de ce dernier avec madame Mansley, et cet avenir de mariage suffisait aux gens que les avantages d’une bonne maison et d’une société agréable captivent avant tout. D’ailleurs, à cette époque, on n’était pas rigide, ou, pour mieux dire l’indulgence se portait alors sur le mérite et les agréments, comme elle se porte aujourd’hui sur l’argent et l’égoïsme.

Les talents, les célébrités, les gens distingués de toutes les classes, échappés comme par miracle à la faux révolutionnaire, se réunissaient alors avec une joie mélée de regrets, comme ces naufragés qui pleurent