Aller au contenu

Page:Nichault - Ellenore t1.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tère politique ne se trouve jamais humilié de le soumettre aux volontés d’une jolie femme.

Dans cette conversation, à la fois grave et plaisante, tous les aparté étaient médisants et cruels. J’en donnerai pour exemple la réponse que me fit le vicomte de Ségur au reproche que je lui adressai de ne pas dissimuler sa malveillance pour Chénier ; enfin, de le haïr si haut.

— Moi le haïr ! dit-il en souriant, pas le moins du monde, et pourvu qu’il veuille bien ne point fraterniser avec moi ; car vous savez ce qu’il en coute pour…

Je ne permis pas au vicomte d’achever, tant cette plaisanterie me parut atroce. Je me retournai brusquement du côté de Chénier, craignant qu’il ne l’eût entendue. Ce mouvement fit présumer que les fadeurs du vieux courtisan m’impatientaient ; il m’en fit compliment comme d’une preuve de bon goût ; et il me fallut alors défendre M. de Ségur contre les épigrammes toujours piquantes et souvent injustes du républicain sur les ridicules courageux d’un gentilhomme.

En sortant de table, mon mari me conduisit vers madame Mansley, qu’il appelait sa belle libératrice. J’étais accoutumée à ces sortes de présentations, car M. G… ayant été emprisonné et délivré sept fois pendant le règne de la Terreur, j’étais tenue à la reconnaissance envers toutes les personnes qui avaient plus ou moins concouru à sa délivrance.

J’adressai quelques remercîments à madame Mansley ; elle y répondit avec une grâce affectueuse qui contrastait singulièrement avec son regard fier et son attitude imposante. Cette bienveillance inespérée aurait dû m’encourager ; mais encore sous l’impression du ton sé-