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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/173

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— Ah ! je ne demande pas mieux que de vous les raconter.

— Et moi, je ne veux pas les connaître, reprit madame de la Tournelle.

— Mêler un prêtre dans ses intrigues[1], se servir de la confession pour abuser un pauvre curé ; en faire son complice, son commissionnaire ! vraiment cela crie vengeance, et c’est me mettre à plaisir dans un embarras cruel que de me forcer à punir ses forfaits.

— Et des aventures si amusantes, dit le duc ; convenez-en, sire, vous en avez ri.

— Oui, mais le prince de Rogan ne les trouve pas plaisantes, lui.

— Grâce au génie de la femme de chambre de la princesse, il a retrouvé toute sa sécurité ; nous sommes maintenant les meilleurs amis du monde : c’est lui qui me demande pardon de ses soupçons.

— Voilà, je vous l’avoue, un homme abominable, dit le roi ; mais comment fait-il pour se maintenir si longtemps et si heureusement dans ce dédale d’intrigues plus compliquées les unes que les autres ?

— Il est certain qu’une telle persévérance, appliquée à la vertu, aurait fait de lui un saint, dit madame de la Tournelle.

— Et je ne suis qu’un pauvre pécheur : mais mon excuse est dans ma constance, et si je puis encore pécher ainsi vingt ans, ma conversion sera un miracle. C’est dommage que le siècle s’amende. Le règne de Votre Majesté sera béni de Dieu, je n’en doute pas. Mais, la régence ! la régence ! ah ! sire, quel bon temps !

— Erreur. Ce temps si regretté n’était qu’une suite d’orgies sans amour.

— Ah ! il s’en glissait bien un peu par-ci par-là en dépit de la licence ; mais il est certain qu’il ne s’y donnait pas beaucoup de soupers tels que celui-ci.

  1. Un valet de chambre du duc de Richelieu s’étant confessé d’avoir volé des bijoux à la princesse de R… pendant qu’il était à son service, le confesseur se chargea de remettre lui-même les bijoux cachetés à la princesse. Ce paquet ne contenait point de bijoux, mais plusieurs lettres adressées par le duc de Richelieu à la princesse. C’était là l’ingénieux moyen qu’il avait trouvé pour les lui faire parvenir.