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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/298

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en moi ; je me trouvai dans la foule, très-pressée, et je me reprochai cette démarche pour un homme par qui j’avais été traitée si inhumainement ; mais, entraînée parles éloges qu’on faisait de lui, par les cris que l’ivresse arrachait à tous les spectateurs, je n’avais plus la force de m’occupe ! de moi. Une seule voix sortie près de moi me rappela à mes malheurs, en me nommant d’une manière bien injurieuse. » Vous me blâmerez, sans doute, cher oncle, mais je n’ai pu résister à la tentation. Depuis ce temps, je suis plus agitée que jamais ; je compare mon état à celui que j’avais ; je n’ai de tout temps pas trop compté sur les amis, mais je vois avec peine l’abandon de plusieurs. Je crois que tôt ou tard il m’arrivera quelque malheur ou que je serai victime de quelque fausse accusation. J’ai des pressentiments que je ne peux éloigner : j’ai bien besoin de votre présence ! vos états seront donc éternels ? »

Ce récit touchant et simple, cette profonde mélancolie d’un cœur découragé, ces avertissements du ciel, cette prévision d’une destinée implacable, peignent mieux que nous ne saurions le faire l’effet de la fatalité sur une âme noble et tendre. Madame de Ghàteauroux, malgré tout ce qui excusait sa faiblesse, se sentait coupable devant Dieu. Aussi attendait-elle les derniers coups de la justice divine avec une sainte résignation.

— Je l’ai voulu, pensait-elle, oui, j’ai voulu payer de mon repos dans ce monde, de mon salut, le bonheur de le conduire par l’amour à la gloire : j’ai réussi, que le ciel me punisse !



LVIII

LES APPRÊTS DE VOYAGE


Le roi était avec toute la cour de retour à Versailles, où de nouvelles acclamations, de nouvelles fêtes l’attendaient. Tant qu’une lueur d’espérance avait soutenu madame de Châteauroux, l’idée de vivre loin de Paris ne lui était point