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Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/299

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venue ; mais alors ce séjour lui devint chaque instant plus insupportable, et le peu d’amis qui lui restaient l’engagèrent à s’en éloigner ; car il était facile de prévoir qu’elle succomberait bientôt à la triste vie qu’elle y menait. Madame de Lauraguais et le chevalier de Mailly lui conseillaient un voyage, en Italie ; M. Duverney voulait qu’elle s’établit au château de Plaisance, le duc d’Aven seul insistait pour qu’elle restât à Paris, tant il redoutait pour elle de nouvelles insultes.

— Ah ! si je ne l’aimais plus, pensait-elle, je trouverais facilement un asile contre la méchanceté et l’injustice du monde ; mais mon cœur, encore tout à lui, n’est pas digne d’être offert à Dieu. Cependant je veux me rapprocher de ces bienheureuses dont aucune passion ne trouble l’existence. La vue de leur bonheur, de cette douce paix de l’âme que je goûtais avant d’être à lui, calmera mes tortures : oui, je partirai demain, j’irai chez les dames de Sainte-Marie, à N… ; l’abbesse m’a élevée, elle sait que je n’étais pas née pour la honte ; elle a toute l’indulgence de la vertu, elle ne me repoussera point… j’aurai sa pitié, car, pour sa bénédiction, je n’y prétends pas… oui, je partirai…

En prenant cette décision, madame de Châteauroux cédait moins à l’espoir de se convertir qu’au désir généreux de rendre ses amis plus libres ; elle savait que les longs malheurs fatiguent la constance des plus zélés, et que le soin d’accorder ce qu’on doit à la disgrâce avec le désir de rester en faveur demande une préoccupation de tous les instants dont l’esprit se lasse bientôt. C’était pour que madame de Lauraguais pût recouvrer sa place à la cour, pour que MM. D’Ayen et Duverney y conservassent les leurs, qu’elle s’exilait volontairement du monde.

Mademoiselle Hébert n’avait pu recevoir l’ordre de tout préparer secrètement pour s’éloigner à jamais du voisinage de la cour, sans fondre en larmes. Sa maîtresse ne lui avait pas fait l’injure de croire qu’elle pût la laisser partir seule, et ce n’est pas sur elle que cette excellente fille pleurait ; mais aller ainsi s’enterrer dans un cloître, sans vocation, sans espoir de repos ! c’était la fin de tout pour sa jeune maîtresse : et l’on sait à quel point le malheur avait redoublé son attachement pour madame de Châteauroux.

Les malheureux sont comme les malades, chaque mouve-