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Page:Nichault - Le Comte de Guiche.djvu/13

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et l’amitié que le cardinal avait pour lui. Il lui donna une preuve de cette amitié, en le nommant son lieutenant général dans l’armée que Sa Majesté espérait commander en personne à la prochaine campagne ; mais la maladie du roi ne lui permit pas d’accomplir ce projet.

Louis XIV avait quatre ans et demi lorsqu’on vint l’afflubler d’un grand manteau de deuil et l’obliger à recevoir les salutations de tous les corps de l’État. Le comte de Guiche, âgé d’un an de plus, était debout sur une des marches du trône, où la reine l’avait placé pour servir de modèle à son fils et l’engager à rester tranquille, comme Armand, tout le temps que dureraient les présentations.

Le sérieux de ces deux enfants ne venait pas de la même source ; celui de Louis XIV était le fruit de l’orgueil, celui d’Armand de l’ennui : deux ennemis qui ont également fait faire des grandes fautes à l’un et à l’autre.

Avoir été le camarade d’enfance de son souverain n’est pas toujours un avantage. Il n’y a plus de prestige, et l’on se sent moins porté à l’obéissance envers celui dont on a si souvent partagé les fautes et les pénitences. Le moyen de s’imaginer que cet enfant, avec qui l’on vous autorise à jouer comme avec un frère, aura, à peine adolescent, le droit de vie et de mort sur vous ? qu’il vous faudra vous soumettre aveuglément à tous ses caprices, et vous persuader enfin de sa supériorité d’esprit et d’âme sur vous, dont l’esprit et l’âme sont bien supérieurs. La vie entière du comte de Guiche répond à cette question.

Armand était chez sa marraine, la duchesse d’Aiguillon, à Ruel, lorsque la reine y vint passer six semaines, en 1644, avec le roi et son petit frère le duc d’Anjou.

Un semblable honneur fait à sa famille, la manière dont on lui recommandait de faire les honneurs du château de sa parente au jeune roi, encourageaient encore Armand dans ses idées d’égalité, idées plus nobles que sages et encore plus dangereuses en ce temps que dans le nôtre.

Armand était de la promenade que firent un jour la reine et les jeunes princes dans le parc de Ruel, ce jour où Anne d’Autriche aperçut le poëte Voiture rêvant au fond d’une allée, et fit arrêter sa calèche pour demander au rimeur à quoi il pensait. On sait les vers burlesques que Voiture improvisa à cette occasion, et nous ne les reproduisons ici