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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/116

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— Confié aux soins d’une personne… dévouée, je le ferai… élever, s’il se peut, dans l’ignorance des torts de sa… mère… et… peut-être… u n jour…

Le trouble d’Ermance l’empêcha de continuer.

— Et savez-vous quel sera son sort ? reprit le président d’une voix tonnante ; la honte, l’abandon, et bientôt la misère !

— Ah ! monsieur, s’écria Ermance en se cachant le visage, pouvez-vous penser…

— Oui, madame, la misère dans toutes ses horreurs, la misère d’autant plus cruelle à supporter que vous aurez accoutumé son enfance à tous les soins d’une tendresse furtive, à toutes les habitudes du luxe. Croyez-vous les continuer, ces soins, lorsque le temps, ayant calmé vos idées romanesques, vous rentrerez dans la vie commune pour y maintenir votre rang et une considération d’autant plus précieuse que vous l’aurez autre fois compromise ? Non, madame, il n’en sera pas ainsi ; importunée de la présence d’un être qui ne serait plus pour vous que le souvenir de votre faute, vous l’éloignerez petit à petit de vos yeux, et lorsque viendra le moment de répondre à ses questions sur sa naissance, lorsqu’il faudra lui assigner sa place dans le monde, où vous rougirez d’être sa mère, la honte l’emportera sur le devoir ; ne pouvant lui continuer vos soins sans lui laisser deviner ses droits, vous le délaisserez par prudence. Alors, sans nom, sans état, sans appui, livré à tous les dangers d’une jeunesse abandonnée, s’il devient misérable, abject, criminel, c’est vous qui serez responsable de sa dégradation et de ses crimes.

— Par pitié, s’écria Ermance en fondant en larmes, épargnez-moi cet affreux tableau, ou je meurs !…

— Moi vous cacher l’horreur d’un avenir certain, vous laisser tomber dans l’abîme quand je puis vous en montrer la profondeur, quand je puis vous sauver, sinon du malheur, au moins d’un crime ! Jamais vous n’obtiendrez de moi cette lâche faiblesse. Vous avez réclamé le secours de mon expérience, de ma vieille amitié pour cette famille que vous vous préparez à mettre au désespoir ; je vous dois la vérité, vous