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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/133

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comment reconnaitrait-on les siens, ceux dont l’éducation plus que le rang et la fortune est en rapport avec vos goûts et votre ton ? Eh bien, quelques mots suffisent pour révéler la classe de celui qui parle ; c’est un renseignement certain qui vous empêche de vous égarer dans la foule. Il n’en résulte aucun mal pour ceux qui ignorent les finesses ou plutôt les simplicités de cette langue ; ils n’en sont pas moins convaincus de la noblesse de leurs expressions et de l’élégance de leurs manières, de leur supériorité de fortune ou de mérite : ainsi donc on peut tolérer le préjugé et le regarder comme un de ces procédés chimiques qui servent à reconnaître les métaux sans les altérer.



XXI


À peine M. Brenneval eut quitté Paris que sa fille retourna au château de Montvilliers. Là elle attendit avec résignation le moment de ses couches, s’en remettant à la volonté, à la prudence de son oncle pour les soins qui devaient préserver son secret de toute indiscrétion, et se flattant aussi de l’affreuse espérance que son chagrin ayant gravement altéré sa santé, elle succomberait à la fièvre qui suit l’accouchement ; mais le ciel n’exauça point ce vœu du désespoir. Après de longues douleurs, elle mit au monde un enfant si chétif, si affaibli par l’état de souffrance où sa mère était depuis longtemps, que l’on n’eut pas de peine à persuader à ceux qui le virent qu’il était né à sept mois. M. de Montvilliers se chargea de faire part de cet événement à son neveu. Des billets furent envoyés selon l’usage ; et une nourrice, choisie dans le village, fut installée dans le château, par les soins de Mélanie, pour donner son lait au petit Napoléon.

La maternité, cette passion que le ciel a mise dans le cœur des femmes pour absorber toutes les autres, triomphe même du repentir et de la honte. En serrant son enfant sur son sein, Ermance lui pardonna d’être, la cause de son malheur, et regretta de s’être laissé affaiblir par la douleur au point de ne