Aller au contenu

Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ranieska, répond aux questions qu’elle lui adresse sur son voyage en regardant les femmes jolies ou parées qui remplissent les premiers rangs de loges : l’une d’elles le frappe particulièrement par sa tournure et sa robe élégante, mais il ne peut voir son visage, tant elle parait vivement occupée de ce que lui dit le comte Albert : alors un mouvement d’impatience saisit Adhémar, et il interrompit la princesse pour lui demander le nom de la femme qui se trouve à côté de madame de N…

— Vous plaisantez ! répond la princesse avec le dépit qu’on éprouve d’ordinaire en découvrant qu’on n’était point écouté ; vous ne sauriez la méconnaître, et d’ailleurs les soins passionnés de M. de Sh… la désignent assez.

À ces mots, Adhémar a peine à contenir le sentiment qui couvre ses traits d’une pâleur subite ; cependant il ne veut point paraître attacher d’importance à ce qu’il appelle une ruse de la princesse pour lui faire croire que le comte Albert s’occupe d’une autre que d’elle, et il s’efforce de sourire ; mais il attend que madame de Lorency jette enfin les yeux de son côté, et il s’apprête à lui lancer un de ses regards vengeurs dont les jaloux ont seuls la puissance.

En voyant le trouble d’Adhémar, la princesse Ranieska ne doute point qu’elle n’en soit la cause ; elle redouble de coquetterie, et lui parle avec une langueur si affectée que chacun la remarque.

— Savez-vous bien qu’à votre place, dit madame de N… à Ermance, je trouverais les airs qu’elle prend en parlant à M. de Lorency très-ridicules ?

Puis, s’adressant au comte Albert :

— Les reconnaissez-vous ? ajouta-t-elle en souriant ; est-elle aussi langoureuse pour tout le monde ?

Le comte répondit avec un sérieux très-convenable à une question si indiscrète, et ne fut pas moins réservé sur tout ce que lui demanda madame de N… à propos de ce qu’on racontait d’étrange sur le mariage de la princesse. Si Ermance avait pu s’occuper d’autre chose que du retour d’Adhémar, elle aurait remarqué avec quelle respectueuse discrétion le comte