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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/296

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mésintelligence, les amis dont il redoutait le sourire moqueur, Adhémar revint tout naturellement à ses soupçons et à ses manières contraintes ; sa reconnaissance pour les soins d’Ermance n’en était pas moins vive, mais il lui en parlait trop souvent, et elle lui en voulait d’en faire pour ainsi dire l’explication du rapprochement qu’on pouvait remarquer entre eux.

Il ne lui avait jamais parlé de la montre qu’il avait trouvée sur son lit à Mayence ; mais il la portait toujours et la tirait souvent sans nécessité, puis il regardait Ermance comme pour chercher à deviner ce que ce souvenir lui faisait éprouver. Mais, plus convaincue que jamais de la peine et de l’humeur qu’il aurait en apprenant le rôle humiliant auquel la présence de la princesse Ranieska l’avait réduite à Mayence, elle engagea Étienne à persister dans son mensonge.

Un de ces incidents dont la fatalité s’empare quand elle nous poursuit vint détruire en une minute tout ce que le dévouement et la tendresse d’Ermance avait opéré sur le cœur d’Adhémar. Il commençait à sortir en se soutenant à l’aide d’une canne. Un jour qu’il revenait du château, on lui remit plusieurs lettres, parmi lesquelles s’en trouvait une timbrée d’Allemagne et adressée à madame de Lorency : l’écriture lui en était inconnue ; mais une rougeur subite couvrit son visage en pensant que c’était peut-être celle du comte Albert. Il la rendit à son domestique, en disant avec humeur :

— Cette lettre n’est pas pour moi.

Le même jour, à dîner, on parla de la défection de tous nos alliés et de la peine qu’on avait à recevoir des nouvelles particulières à travers tant d’armées et de polices différentes. Chacun déclama contre la violation des lettres et la difficulté d’en avoir de l’étranger. Adhémar attendait avec anxiété qu’Ermance parlât de celle qu’elle avait reçue ; le silence qu’elle garda sur ce sujet le confirma dans son idée. Il ne se trompait point. À son départ pour Vienne, le comte Albert avait supplié madame de Lorency de permettre qu’il lui écrivit quelquefois ; la crainte qu’une telle correspondance, si innocente qu’elle fut, ne la compromît, l’avait