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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/308

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blessure m’avait permis de me transporter jusqu’à votre appartement. Le désespoir de madame de Lorency n’a pas été, je pense, plus discret avec vous qu’avec moi, et vous devez concevoir mieux que personne le parti que je me vois forcé de…

— Avant d’en prendre, que vous pourriez avoir à regretter, interrompit le président, écoutez ce que l’honneur et la vérité m’obligent à vous dire ; ensuite, vous serez libre d’agir comme il vous conviendra.

L’air vénérable, la voix imposante de cet homme vieilli dans la vertu, disposaient au respect pour la cause qu’il allait défendre : Adhémar s’inclina en signe d’obéissance.

M. de Montvilliers étant venu pour apprendre à M. de Lorency l’événement qui l’atteignait dans la fortune de sa femme, s’attendait à entendre accuser sa nièce d’imprudence, et avait prévu l’obligation où il se trouverait peut-être de la défendre sur un tort plus grave, car la douleur d’Ermance avait parlé, il le savait. Alors, sans aucun de ces ménagemens qu’on emploie d’ordinaire pour dissimuler ou pallier les torts des gens qu’on aime, M. de Montvilliers fit un récit exact de tout ce qui accusait Ermance, et acquit le droit de faire valoir les raisons qui l’avaient entraînée à sa perte, et le repentir, les tourments qui avaient depuis expié sa faute. Dans sa franchise éloquente, il parla de l’autorité dont il s’était servi pour détourner sa nièce de l’aveu qu’elle voulait faire, et pour éviter le scandale qui en devait naître.

Les divers mouvements de rage, de regrets qui agitèrent Adhémar pendant ce récit, cédèrent à l’attendrissement lorsque M. de Montvilliers lui peignit l’amour qui triomphait depuis si longtemps dans le cœur d’Ermance de tous les supplices du remords et de la jalousie. À ce tableau si vrai d’un sentiment dont rien n’aurait troublé la pureté, si l’infidélité de celui qu’elle aimait et les conseils du vice n’avaient égaré un instant l’âme la plus noble, Adhémar s’écria, les yeux remplis de larmes :

— Oui ! c’est moi, moi seul qui l’ai perdue, !… Esclave d’une misérable intrigue, d’un amour de vanité, je l’ai dédaignée