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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/309

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un moment… par ordre, en dépit de mon cœur… je l’ai humiliée en affectant une préférence indigne d’elle…, et, lorsqu’averti par des dénonciations anonymes…, j’ai cherché à me venger…, dévoré de soupçons, de regrets, je l’ai accablée d’amertume, sans jamais épuiser son courage à souffrir…, et pourtant, l’avouerai-je ?… malgré les torts que je lui croyais, malgré sa contrainte, sa froideur envers moi… je l’aimais… oui ! je la préférais à tout, et je n’attendais qu’un mot de sa bouche pour lui tout sacrifier… Ah ! pourquoi… cet aveu fatal met-il entre nous un abîme ?… Pourquoi le désespoir a-t-il tué son amour ?… cet amour que je sentais là, dans mon cœur, qui me répondait, qui bravait sa faute et tous mes torts. Mais quels vœux insensés !… Puis-je le vouloir ? Non, l’honneur le défend.

Et en disant ces mots, Adhémar s’abandonne à la plus vive douleur, il l’exhale en reproches amers, en regrets déchirants. Combien cette douleur fait naître de joie dans l’âme de M. Montvilliers ! que d’espérance il conçoit pour un bonheur acheté par tant de larmes ! avec quelle éloquence il combat le préjugé qui défend le pardon à l’époux offensé ! à cet orgueil qui le rend insensible au repentir du crime dont il est souvent la cause ! qui le rend enfin plus inexorable que Dieu même !

Adhémar, qui l’écoute avec avidité, sent faiblir son courroux ; un doux frémissement l’agite en apprenant à quel point il est aimé, et comment il peut, d’un mot, changer en félicité le désespoir d’Ermance. Le président, qui connaît son âme généreuse, choisit ce moment pour lui apprendre que son beau-père est en fuite, que sa femme est ruinée.

— Que dites-vous ? est-il bien vrai ? s’écria Adhémar ; son père la ruine, l’abandonne ?… Elle n’a plus que mon amour au monde !… Ah ! qu’il lui soit rendu…

En prononçant ces mots, il s’élance vers la porte du cabinet qui conduit à la chambre d’Ermance, il entre précipitamment, la cherche des yeux… ; elle n’y est point… Adhémar s’approche de la cheminée pour s’appuyer sur le marbre, car la souffrance que lui cause sa blessure ne lui permet plus de