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Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/55

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ou à sa bienveillance, ce qui amenait souvent d’étranges quiproquos ; car l’administrateur consulté, peu versé dans le monde élégant, et plus ignorant encore des usages et des notabilités de l’ancien régime, lui recommandait parfois des gens fort étonnés d’une telle faveur, tandis qu’il traitait avec une légèreté risible ceux qui méritaient une grande considération par leur naissance ou par leur caractère.

La gaieté de M. de Maizières tirait un grand parti de ces bévues, lorsque revenu du cercle de la princesse on allait souper chez une de ces jolies femmes que la mode avait réunies cette année à Aix-la-Chapelle. Jamais la variété des agréments et des personnes n’y avait été plus frappante que cette année : la belle duchesse de V…, avec son profil grec, ses manières nobles, son rire d’enfant, y contrastait avec la tenue sévère, la coquetterie froide de madame de R…, la fraîcheur, la champêtre beauté de madame de B…, avec les airs langoureux, et la gaieté moqueuse de madame de S… Les hommes différaient moins entre eux ; la même ambition, les mêmes moyens employés pour la satisfaire leur donnaient un certain air de ressemblance ; d’ailleurs, tous plus ou moins imitateurs de M. de Maizières, perdaient, à singer ses défauts, l’originalité qui aurait fait aimer les leurs. Un seul échappait à cette contagion ; il venait d’arriver à la suite de la duchesse d’Alvano, qui, l’ayant rencontré à Spa, avait mis toute son éloquence à lui persuader que les eaux d’Aix-la-Chapelle étaient bien préférables à celles de la Sauvenière qu’on lui avait ordonnées pour se guérir des suites de sa blessure.

Frivole, entêté, faible et audacieux, Adrien de Kerville avait tous les défauts et toutes les grâces d’un enfant gâté : une tournure distinguée, un mauvais ton, des goûts élégants et des habitudes vulgaires ; indolent pour l’étude, tout de feu pour les plaisirs, n’aimant que ce qui lui était défendu, cédant à toutes les idées folles qui lui passaient par la tête ; on le trouvait spirituel, parce qu’il disait tout, et bon, parce qu’il ne faisait rien.

Le hasard de sa rencontre à Spa avec madame d’Alvano ressemblait tellement à un rendez-vous que personne n’en était