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11.

Vous qui créez, hommes supérieurs ! Une femme n’est enceinte que de son propre enfant.

Ne vous laissez point induire en erreur ! Qui donc est votre prochain ? Et agissez-vous aussi « pour le prochain », — vous ne créez pourtant pas pour lui !

Désapprenez donc ce « pour », vous qui créez : votre vertu précisément veut que vous ne fassiez nulle chose avec « pour », et « à cause de », et « parce que ». Il faut que vous vous bouchiez les oreilles contre ces petits mots faux.

Le « pour le prochain » n’est que la vertu des petites gens : chez eux on dit « égal et égal » et « une main lave l’autre » : — ils n’ont ni le droit, ni la force de votre égoïsme !

Dans votre égoïsme, vous qui créez, il y a la prévoyance et la précaution de la femme enceinte ! Ce que personne n’a encore vu des yeux, le fruit : c’est le fruit que protège, et conserve, et nourrit tout votre amour.

Là où il y a votre amour, chez votre enfant, là aussi il y a toute votre vertu ! Votre œuvre, votre volonté, c’est là votre « prochain » : ne vous laissez pas induire à de fausses valeurs !

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12.

Vous qui créez, hommes supérieurs ! Quiconque doit enfanter est malade ; mais celui qui a enfanté est impur.

Demandez aux femmes : on n’enfante pas parce que cela fait plaisir. La douleur fait caqueter les poules et les poètes.