L’art, évocateur des morts. — L’art assumé
accessoirement la tâche de conserver l’être, même
de rendre un peu de couleur, à des représentations
éteintes et pâlies ; il tresse, quand il s’acquitte de
cette tâche, un lien autour de siècles divers et en
fait revenir les esprits. À la vérité, ce n’est qu’une
vie apparente, comme au-dessus des tombeaux,
qui par là prend naissance, ou bien comme le
retour des morts chéris dans le rêve, mais au
moins pour quelques instants le vieux sentiment
s’éveille une fois encore et le cœur bat selon un
rythme autrement oublié. Il faut, en considérant
cette utilité générale de l’art, pardonner à l’artiste
lui-même de ne point se placer aux premiers rangs
de la culture et de la virilisation progressive de
l’humanité : il est toute sa vie resté un enfant ou
un adolescent et s’est tenu au point où l’a pris sa
vocation artistique ; or les sentiments des premiers
degrés de la vie sont, de l’aveu général, plus proches de ceux des périodes passées que de ceux du
siècle présent. Bon gré mal gré, il aura pour tâche
de rendre l’humanité enfant ; c’est sa gloire et sa
limite.
Le poète, allégeur de la vie. — Les poètes, étant donné qu’eux aussi veulent alléger la vie à