l’homme, détournent leur regard du présent pénible
ou aident le présent à prendre, par une lueur qu’ils
font briller du passé, des couleurs nouvelles. Pour
y réussir, il leur faut être eux-mêmes à beaucoup
d’égards des êtres tournés en arrière : en sorte
qu’ils peuvent servir de pont, pour mener à des
époques et des idées très lointaines, à des religions
et à des civilisations mourantes ou mortes. Ils sont
proprement toujours et nécessairement des Épigones. On peut, à parler franc, dire quelques choses
défavorables de leurs moyens d’alléger la vie : ils
corrigent et guérissent seulement en passant, seulement pour le moment ; ils empêchent même
l’homme de travailler à une amélioration véritable
de son état, en supprimant et en déchargeant par
des palliatifs la passion des inquiets, qui poussent
à l’action.
La lente flèche de la beauté. — La plus noble sorte de beauté est celle qui ne ravit pas d’un seul coup, qui ne livre pas d’assauts orageux et enivrants (celle-là provoque facilement le dégoût), mais qui lentement s’insinue, qu’on emporte avec soi presque à son insu et qu’un jour, en rêve, on revoit devant soi, mais qui enfin, après nous avoir longtemps tenu modestement au cœur, prend de nous possession complète, remplit nos yeux de