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HUMAIN, TROP HUMAIN

elle ne devient pas tangente à beaucoup d’autres tendances, comme font les partis et les natures faibles dans leur va-et-vient ondulatoire : il faut donc aussi s’attendre à trouver les philologues exclusifs. La restitution et la conservation des textes, en même temps que leur interprétation, pratiquée avec suite par une corporation, des siècles durant, a permis enfin de trouver les bonnes méthodes ; tout le moyen-âge était profondément incapable d’une explication strictement philologique, c’est-à-dire du désir de comprendre simplement ce que dit l’auteur — c’était quelque chose, de trouver ces méthodes, qu’on n’en rabaisse pas le prix ! Toute la science n’a gagné de la continuité et de la stabilité que parce que l’art de bien lire, c’est-à-dire la philologie, est parvenu à son apogée.

271.

L’art de raisonner. — Le plus grand progrès qu’aient fait les hommes consiste à avoir appris à raisonner juste. Ce n’est pas une chose aussi naturelle que le pense Schopenhauer, quand il dit : « Tous sont aptes à raisonner, peu à juger », mais on ne l’a apprise que tard et maintenant encore elle n’est pas parvenue à l’empire. Le raisonnement faux est, dans les temps anciens, la règle, et les mythologies de tous les peuples, leur magie et leur superstition, leur culte religieux, leur droit, sont