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HUMAIN, TROP HUMAIN

des mines inépuisables de preuves à l’appui de cette proposition.

272.

Phases de la culture individuelle. — La force et la faiblesse de la productivité intellectuelle ne dépendent pas tant à beaucoup près des facultés reçues en héritage que de la masse transmise d’énergie. La plupart des jeunes gens cultivés de trente ans reculent à ce point solsticial de leur vie et dès lors ne prennent plus plaisir à de nouvelles orientations intellectuelles. D’où la nécessité alors, pour le salut d’une culture qui s’élève de plus en plus, d’une nouvelle génération, qui à son tour ne la mène pas non plus bien loin : car pour rattraper la culture de son père, le fils doit dépenser presque toute l’énergie héritée que le père possédait lui-même à l’époque de sa vie où il engendra son fils ; le petit surplus lui permet d’aller plus loin (car la route étant faite pour la seconde fois, on avance un peu plus vite ; le fils ne dépense pas, pour apprendre la même chose que savait son père, tout à fait autant de force). Des hommes très énergiques, comme par exemple Gœthe, frayent autant de chemin qu’à peine quatre générations le peuvent derrière eux ; mais cela fait qu’ils avancent trop vite, en sorte que les autres hommes ne les rejoignent qu’au siècle suivant, peut-être jamais complètement, parce que