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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

l’on instruit ainsi, combien les hommes préfèrent l’incertitude de l’horizon intellectuel, et combien, au fond de leur âme, ils haïssent la vérité à cause de sa précision. — Cela tient-il à ce qu’ils craignent tous secrètement que l’on fasse une fois tomber sur eux-mêmes, avec trop d’intensité, la lumière de la vérité ? Ils veulent signifier quelque chose, par conséquent on ne doit pas savoir exactement ce qu’ils sont ? Ou bien n’est-ce que la crainte d’un jour trop clair, auquel leur âme de chauve-souris crépusculaire et facile à éblouir n’est pas habituée, en sorte qu’il leur faut haïr ce jour ?

8.

Scepticisme chrétien. — On présente maintenarnt volontiers Pilate, avec sa question « qu’est-ce que la vérité ? » comme avocat du Christ, et cela pour mettre en suspicion tout ce qui est connu et connaissable, le faire passer pour apparence, afin de pouvoir dresser sur l’horrible fond de l’impossibilité-de-savoir : la Croix !

9.

La « loi de la nature » une superstition. — Si vous parlez avec tant d’enthousiasme de la conformité aux lois qui existent dans la nature, il faut que vous admettiez soit que, par une obéissance librement consentie et soumise à elle-même, les choses naturelles suivent leurs lois — en quel cas vous admirez donc la moralité de la nature — ; soit que vous évoquiez l’idée d’un mécanicien créateur qui a fabriqué la pendule la plus ingénieuse en y pla-