Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/138

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tion psychologique de Dieu. Parce qu’il est le type essentiellement souffrant et inquiet, la quiétude, le bonheur, la résignation lui apparaissent comme quelque chose d’étrange dont il faut donner une explication. Parmi les races d’une grande vitalité, intelligentes et fortes, c’est l’épileptique qui éveille le plus souvent la conviction qu’une puissance étrangère est en jeu ; mais toute espèce d’assujettissement de même ordre, par exemple la contrainte que l’on remarque chez l’enthousiaste, le poète, le grand criminel, dans les passions comme l’amour et la haine, pousse à l’invention de puissances extra-humaines. On concrétise un état d’âme dans une seule personne, et l’on prétend que, lorsque cet état se manifeste chez nous, il est l’action de cette personne. Autrement dit : dans la formation psychologique de Dieu, un état, pour être l’effet de quelque chose, est personnifié et revêt le caractère de la cause. Cependant la logique psychologique dit ceci : le sentiment de puissance, lorsqu’il s’empare d’une façon soudaine de l’homme et qu’il le subjugue - c’est le cas dans toutes les grandes passions - éveille une sorte de doute sur la capacité de la personne : l’homme n’ose pas s’imaginer qu’il est lui-même la cause de ce sentiment - il imagine donc une personnalité plus forte, une divinité, qui se substitue à lui-même, dans le cas donné. L’origine de la religion se trouve par conséquent