Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/146

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événement quelconque de son existence, lorsque le remords nous fait éprouver quelque chose qui ressemble à l’étonnement du chien qui mord sur une pierre, — lorsque l’on a honte de se repentir. La pratique que l’on a utilisée jusqu’à présent, fût-elle purement psychologique et religieuse, ne tendait qu’à une transformation des symptômes : elle considérait qu’un homme était rétabli lorsqu’il s’abaissait devant la croix, et jurait de devenir un homme bon… Un criminel, cependant, qui se cramponne à sa destinée, avec une espèce de sérieux lugubre, et qui ne renie pas son acte après coup, possède une santé de l’âme plus grande… Les criminels avec lesquels Dostoïevski vivait au bagne étaient tous des natures indomptées, — ne valaient-ils pas cent fois mieux qu’un chrétien au cœur " brisé " ?

94.

Contre le repentir. — Je n’aime pas cette espèce de lâcheté à l’égard de son propre acte ; il ne faut pas s’abandonner soi-même sous le coup d’une honte ou d’une affliction inattendues. Une fierté extrême serait mieux en place. A quoi cela servirait-il en fin de compte ? Se repentir d’une action, ce n’est pas la réparer, pas plus que cette action ne s’efface lorsqu’elle est " pardonnée " ou " expiée " - Il faudrait être théologien pour croire à une puissance qui détruise une faute : nous autres immoralis