Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/170

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avre… Pour faire croire cela à d’autres gens encore, il leur fallait présenter autrement l’idée de " belle âme ", transformer la valeur naturelle jusqu’à ce que l’on pût considérer un être pâle, maladif, exalté jusqu’à l’idiotie comme le substratum de la perfection, comme " angélique ", comme créature transfigurée, comme homme supérieur.

114.

La réalité qui put servir de base au christianisme, c’étaient les petites familles juives éparpillées, avec leur chaleur et leur tendresse, leur empressement à recourir, empressement insolite dans tout l’Empire romain et peut-être mal compris, leur habitude de prendre fait et cause les uns pour les autres, leur fierté cachée de " peuple choisi ", fierté travestie en humilité, leur négation intime et sans envie de tout ce qui est en haut et a pour soi la gloire et la puissance. Avoir reconnu qu’il y avait là une force, que cet état bienheureux pouvait se communiquer aussi à des païens, qu’il serait séduisant et contagieux - c’est là le génie de saint Paul. Utiliser le trésor d’énergie latente, de sage bonheur, en vue d’une " église juive de libre confession ", utiliser toute l’expérience juive, la maîtrise à conserver intégrale la communauté sous la domination étrangère, utiliser aussi la propagande juive - saint Paul devina que c’était là sa tâche. Il se trouva précisément en présence de cette espèce de