Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/251

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ion ; 3) On a prêté les noms les plus sacrés aux sentiments de faiblesse, aux lâchetés intimes, au manque de courage personnel, on les a affublés des noms les plus sacrés, pour enseigner qu’ils sont désirables au sens le plus élevé ; 4) On a donné une fausse interprétation à tout ce qui est grand dans l’homme, pour en faire le reniement et le sacrifice de soi en faveur de quelque chose d’autre, pour les autres ; même chez le connaisseur, même chez l’artiste le dépouillement de la personnalité a été traîtreusement présenté comme la cause de la connaissance la plus haute, du savoir le plus profond ; 5) On a falsifié l’amour pour en faire l’abandon (et l’altruisme), tandis qu’en réalité il est une prise, et que seulement dans la surabondance de la personnalité il abandonne quelque chose de lui-même. Seules les personnes les plus entières peuvent aimer ; celles qui ont dépouillé leur personnalité, " les objectifs " sont les plus mauvais amants (demandez donc aux femmes !). Il en est de même de l’amour de Dieu ou de la " patrie " : il faut pouvoir se reposer fortement sur soi-même. (L’égoïsme c’est l’intensification du moi, l’altruisme l’intensification du non-moi) ; 6) On a considéré la vie comme une punition, le bonheur comme une tentation, la passion comme quelque chose de diabolique ; la confiance en soi comme impie.