Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ques-uns des moralistes les plus célèbres s’y sont risqués. Car ceux-là ont déjà reconnu et anticipé la vérité qui doit être enseignée pour la première fois dans ce traité : à savoir que l’on ne peut atteindre absolument le règne de la vertu que par les mêmes moyens nécessaires pour atteindre une domination quelconque, dans tous les cas pas au moyen de la vertu… Ce traité a pour sujet, ainsi que je l’ai indiqué, la politique de la vertu : il détermine un idéal de cette politique, il dépeint celle-ci, telle qu’elle devrait être, si quelque chose pouvait être parfait sur cette terre. Or, nul philosophe n’hésitera à désigner le type de la perfection en politique : c’est le machiavélisme. Mais le machiavélisme pur, sans mélange, cru, vert, dans toute son âpreté est surhumain, divin, transcendant ; jamais les hommes ne l’atteignent, à peine l’effleurent-ils. Dans cette espèce de politique plus étroite, dans la politique de la vertu, l’idéal ne semble également jamais avoir été atteint. En admettant que l’on ait des yeux pour les choses cachées, on découvre, même chez les moralistes les plus indépendants et les plus conscients ( - et c’est bien le nom de moraliste qu’il faudra donner à ces politiciens de la morale, à tous les créateurs de nouvelles forces morales), on découvre, dis-je, des traces de ce fait qu’eux aussi ont payé leur tribut à la faiblesse humaine. Eux tous aspirent à la vertu, pour leur propre