Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/316

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ité). Dans toute l’évolution de la morale il n’y a pas une seule vérité : tous les éléments d’idées avec lesquels on travaille sont des fictions : tous les faits psychologiques sur lesquels on se base sont des faux ; toutes les formes de la logique que l’on introduit dans ce royaume du mensonge sont des sophismes. Ce qui distingue les philosophes de la morale eux-mêmes, c’est la complète absence de toute propreté, de toute discipline de l’intelligence : ils tiennent les " beaux sentiments " pour des arguments : leur poitrine soulevée leur paraît être animée par le souffle de la divinité… La philosophie morale est la période scabreuse dans l’histoire de l’esprit. Le premier grand exemple : sous le nom de morale, sous le patronage de la morale, on s’est livré au délit le plus grave qu’on puisse commettre, faisant en réalité œuvre de décadence à tous égards. On ne peut pas assez insister dans l’affirmation que ce sont les grands philosophes grecs qui représentent la décadence de toute véritable capacité grecque et que leurs tendances sont contagieuses… Cette " vertu " rendue complètement abstraite fut la plus grande séductrice, poussant les hommes à se rendre eux-mêmes abstraits : c’est-à-dire à se séparer [du monde]. Le moment est très remarquable : les sophistes touchent à la première critique de la morale, à la première connaissance de la morale : — ils placent,