Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/320

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nelle dans la vertu. Ils sont eux-mêmes des types de décomposition, tous ces grands " vertueux ", tous ces grands faiseurs de mots. En pratique, cela signifie que les jugements moraux ont perdu le caractère conditionné d’où ils sont sortis et qui leur donnait seul un sens ; on les a déracinés de leur sol gréco-politique pour les dénaturer, sous l’apparence de la sublimation. Les grandes conceptions " bon ", " juste " sont séparées des conditions premières dont elles font partie, sous forme d’" idées " devenues libres, elles sont des objets de dialectique. Derrière elles on cherche une vérité, on les considère comme des entités ou comme le signe d’entités : on invente un monde où elles sont chez elles, un monde d’où elles viennent. En résumé : le scandale a déjà atteint son comble chez Platon… Il était nécessaire dès lors d’inventer aussi l’homme abstrait et complet : — l’homme bon, juste, sage, le dialecticien en un mot, l’épouvantail de la philosophie antique ; une plante séparée du sol : une humanité sans aucun instinct déterminé et régulateur ; une vertu qui se "démontre" par des raisons. C’est là, par excellence, " l’individu " parfaitement absurde ! Le plus haut degré de la contre-nature… Bref, la dénaturation des valeurs morales avait pour conséquence de créer le type dénaturé de l’homme, — l’homme " bon ", l’homme " heureux ",