Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/341

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Les causes de l’erreur se trouvent tout aussi bien dans la bonne volonté de l’homme que dans sa mauvaise volonté : — dans des cas innombrables l’homme se cache la réalité à lui-même, il la macule, pour ne pas souffrir dans sa bonne et dans sa mauvaise volonté. Dieu considéré par exemple comme conducteur des destinées humaines ; l’interprétation de sa propre petite destinée, comme si tout était envoyé et imaginé pour le salut de l’âme, — ce manque de " philologie " qui apparaîtra forcément à une intelligence plus subtile comme de la malpropreté et du faux monnayage, s’inspire en règle générale de la bonne volonté. La bonne volonté, les " nobles sentiments ", les " états d’âme élevés " se servent des mêmes moyens - qui sont des moyens d’imposteur et de faux monnayeur - des moyens que la passion, que la morale réprouve et appelle égoïstes : l’amour, la haine, la vengeance. Les erreurs sont ce que l’humanité a payé le plus cher ; et, en somme, ce sont les erreurs de la " bonne volonté " qui lui ont causé le plus grand dommage. L’illusion qui rend heureux est plus funeste que celle qui entraîne directement des conséquences nuisibles : cette dernière aiguise la sagacité, rend méfiant, purifie la raison, — la première se contente de l’endormir… Les beaux sentiments, les impulsions n