Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/55

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la base de tous les faits, s’exprimant dans tous les faits, chaque fois qu’il serait considéré par un individu comme son trait fondamental à lui, devrait pousser cet individu à approuver triomphalement chaque moment de l’existence universelle. Il importerait précisément que ce trait de caractère fondamental produisît chez soi-même une impression de plaisir, qu’on le ressentit comme bon et précieux.

Or, la morale a protégé l’existence contre le désespoir et le saut dans le néant chez les hommes et les classes qui étaient violentés et opprimés par d’autres hommes : car c’est l’impuissance en face des hommes et non pas l’impuissance en face de la nature qui produit l’amer désespoir de vivre. La morale a traité en ennemis les hommes autoritaires et violents, les " maîtres " en général, contre lesquels le simple devrait être protégé, c’est-à-dire avant tout encouragé et fortifié. Par conséquent la morale a enseigné à haïr et à mépriser ce qui forme le trait de caractère fondamental des dominateurs : leur volonté de puissance. Supprimer, nier, décomposer cette morale : ce serait regarder l’instinct le plus haï avec un sentiment et une évaluation contraires. Si l’opprimé, celui qui souffre, perdait la croyance en son droit à mépriser la volonté de