Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/56

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puissance, sa situation serait désespérée. Pour qu’il en soit ainsi il faudrait que ce trait fût essentiel à la vie et que l’on pût démontrer que, dans la volonté morale, cette " volonté de puissance " n’était que dissimulée, cette haine et ce mépris n’étant eux-mêmes qu’une manifestation de celle-ci. L’oppressé se rendrait alors compte qu’il se trouve sur le même terrain que l’oppresseur et qu’il ne possède pas de privilège, pas de rang supérieur sur celui-ci.

Bien au contraire  ! Il n’y a rien dans la vie qui puisse avoir de la valeur, si ce n’est le degré de puissance — à condition bien entendu que la vie elle-même soit la volonté de puissance. La morale préservait les déshérités contre le nihilisme, en prêtant à chacun une valeur infinie, une valeur métaphysique, en le rangeant dans un ordre qui ne correspondait pas à la puissance terrestre, à la hiérarchie du monde : elle enseignait la soumission, l’humilité, etc. En admettant que la croyance en cette morale soit détruite, il s’ensuivrait que les déshérités seraient privés des consolations de cette morale — et qu’ils périraient.

Cette tendance d’aller à sa perte se présente