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L’ANTÉCHRIST


delà » ! Le néant divinisé en Dieu, la volonté du néant sanctifiée !…

19.

Que les fortes races du nord de l’Europe n’aient pas repoussé le Dieu chrétien, cela ne fait vraiment pas honneur à leur don religieux, pour ne rien dire de leur goût. Ils auraient dû en finir avec ce produit de la décadence, maladif et débile. Voilà pourquoi une malédiction repose sur eux : ils ont absorbé, dans tous leurs instincts, la maladie, la vieillesse, la contradiction, — depuis lors ils n’ont plus créé de Dieu ! Deux mille ans presque, et pas un seul nouveau Dieu ! Hélas, il subsiste toujours, comme un ultimatum et un maximum de la force créatrice du divin, du creator spiritus dans l’homme, ce pitoyable Dieu, du monotono-théisme chrétien ! Cet hybride édifice de décombres, né de zéro, d’une idée et d’une contradiction, où tous les instincts de décadence, toutes les lâchetés et toutes les fatigues de l’âme trouvent leur sanction ! — —

20.

Par ma condamnation du christianisme je ne voudrais pas avoir fait tort à une religion parente qui le dépasse même par le nombre de ses croyants : le bouddhisme. Tous deux se valent en tant que religions nihilistes — ce sont des religions de décadence — mais tous deux sont séparés de la plus singulière manière. Le critique du christianisme est profondé-