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DIT NOVALIS.

la lui eut apprise, il s’enferma dans sa chambre, et y pleura trois jours et trois nuits. Il se rendit ensuite chez ses parens à Arnstadt, pour être plus près du lieu qui renfermait les restes de Sophie. Son frère mourut le 14 Avril suivant. Novalis écrivit à cette occasion à son frère Charles, qui était absent : « Courage, mon cher, Érasme à vaincu ; les fleurons de notre guirlande se détachent ici un à un pour refleurir là-haut et plus beaux et pour l’éternité. » Comme il ne vivait plus que pour sa douleur, il s’habitua à ne regarder le monde visible et invisible que comme ne faisant qu’un seul et même empire, et il ne sépara plus la vie et la mort que par le désir ardent qu’il avait de quitter la première pour la dernière. Sa vie dorénavant ressemblait à celle d’un glorifié ; il semblait rêver continuellement, mais avec la conscience claire d’une existence dans l’autre monde. Tout son être était rempli de ces idées ; son amour, sa douleur étaient pour ainsi dire sanctifiés par cette ardeur pieuse pour la vie à venir. Il est probable que cette profonde tristesse a mis en lui le germe de sa mort, si dès sa naissance sa destinée n’a été de nous être enlevé de si bonne heure. Après s’être abandonné en Thuringe pendant plusieurs mois à sa douleur, il revint plus tranquille reprendre le cours de ses occupations habituelles avec plus de zèle que jamais, quoiqu’il se regardât dès-lors comme un étranger sur la terre. C’est pendant l’automne de cette année qu’il écrivit les Fragmens que nous avons publiés et son hymne à la nuit. S’étant rendu au mois de Décembre à Freyberg, où se trouvait alors le célèbre Werner, son ardeur pour les sciences physiques, la géologie surtout, se ranima plus que jamais. Il doit paraître singulier à tous ceux qui ne le connaissent pas comme ses amis, qu’ayant fait à Freyberg la connaissance de Julie de Ch., il se fiança avec elle dès 1798. Les écrits qu’il a laissés prouvent que Sophie restait toujours le centre de ses pensées, il la vénérait désormais comme une sainte ;