Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
FRAGMENTS

désir organique d’expansion infinie et de durée éternelle ; mais c’est une preuve aussi que le temps, sur lequel on n’avait pas compté, suffit à rendre vaines les plus sages entreprises, et que le développement de la race entière étouffe constamment le développement artificiel de l’une de ses parties. Toute partie en soi, a sa propre mesure de capacité ; seule, la capacité de la race est illimitée. Tous les plans doivent faillir, qui ne tiennent pas complètement compte de toutes les aptitudes de la race.

Le savant est d’instinct l’ennemi du clergé, tel qu’on l’entendait autrefois. Le savant et le prêtre, s’il sont séparés, doivent se faire une guerre sans merci, car ils luttent pour la même place. Cette séparation se révéla notamment après la Réforme et surtout en ces derniers temps : et plus l’histoire de l’humanité européenne approchait du temps de la science triomphante, plus le savoir et la foi entraient en opposition définitive, plus aussi les savants gagnaient du terrain. C’est dans la foi que l’on chercha la cause de la stagnation générale, et c’est par la science, qui perce tout, qu’on espéra de vaincre cette stagnation. Partout, le sens sacré eut à subir les reproches que l’on fit à ce qu’il avait été jusqu’ici, et à sa personnalité temporelle. Le résultat de la nouvelle manière de penser, on le nomme philosophie, et on y ajouta tout ce qui s’opposait à la manière ancienne et surtout, tout ce qui s’attaquait à la religion. La haine personnelle qu’on