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FRAGMENTS

nuages qui montent autour des fontaines sont les prières des fontaines.

La poésie est le réel absolu. Ceci est le noyau de ma philosophie. Plus une chose est poétique, plus elle est réelle.

Les études de Gœthe sur la lumière, sur les transformations des plantes et des insectes, confirment et prouvent péremptoirement que la science complète se trouve aussi dans le domaine de l’artiste. On pourrait affirmer, dans un certain sens, et à bon droit, que Goethe est le premier physicien de son temps et fait époque dans l’histoire de la physique. Il ne peut être question ici de l’étendue des connaissances, encore que des découvertes ne déterminent pas le rang qu’occupe le savant. Le tout se réduit à savoir si on contemple la nature comme l’artiste contemple l’antique, — car la nature est-elle autre chose que l’antique vivant ? La nature et le sens de la nature naissent en même temps ; comme l’antique et la connaissance de l’antique ; car on se trompe fort si l’on croit qu’il y a des antiques. C’est d’aujourd’hui seulement que l’antique commence à naître. Il est en train de devenir sous les yeux et sous l’âme de l’artiste. Le reste de l’antiquité n’est que l’excitation spécifique à la formation de l’antique. Ce ne sont pas les mains qui forment l’antique. L’esprit le produit à travers les yeux ; et la pierre taillée n’est que le corps, qui n’acquiert de signi-